"Sous le ciel des Estatz" Les Etats généraux de Lorraine sous le règne personnel de Charles III (1559-1608)
thèse qualifiée
- Monsieur Antoine ASTAING, Professeur d'Histoire du Droit à l'Université de Lorraine
- Monsieur Jean COUDERT, Professeur émérite en histoire du Droit à l'Université de Lorraine
- Monsieur Laurent PFISTER, Professeur d'Histoire du Droit à l'Université de Paris II Panthéon-Assas, rapporteur
- Monsieur Nicolas WAREMBOURG, Professeur d'Histoire du Droit à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, rapporteur
- Madame Virginie LEMONNIER-LESAGE, Professeur d'Histoire du Droit à l’Université de Rouen, membre invité
Version française
À la tête des duchés de Lorraine et de Bar, Charles III réunit des États généraux communs aux deux principautés pour obtenir le conseil et l’aide des trois ordres. L’habilité de ce duc sera par l’emploi de ce moyen traditionnel d’aboutir au renforcement de sa puissance et souveraineté. Régnant à une époque très troublée par les Guerres de Religion, le prince doit recourir de plus en plus souvent à l’aide de ses sujets pour lever des troupes et fortifier les villes. Pour lever des aides extraordinaires, le duc doit obtenir le consentement des États généraux, qui rarement le lui refusent. La multiplication des aides et leur quasi permanence entraîne un conflit avec les bourgeois de Bar. Saisi par ces derniers, le Parlement de Paris impose au duc la tenue d’États généraux distincts pour la partie du duché qui relève féodalement du royaume – le Barrois mouvant, entraînant la scission des États généraux. L’absence d’unité institutionnelle entre les deux duchés est surtout flagrante en matière d’organisation juridictionnelle. Une puissante Ancienne Chevalerie juge souverainement les procès civils dans le duché de Lorraine au sein des Assises. Mais l’institution est décadente et fait l’objet de débats constants au sein des États. Le duc cherche à imposer sa justice au détriment des juridictions féodales, et entend répondre aux vœux du Tiers État : qu’elle soit bien administrée. Dans le Barrois non mouvant, le duc érige une Cour Souveraine des Grands Jours de Saint-Mihiel. Cette érection est critiquée par la Noblesse locale, évincée au profit de juristes. Le duc ne se contente pas de lutter contre les juridictions féodales. Grâce à ses agents, il parvient à imposer progressivement sa justice au détriment des justices seigneuriales. Les seigneurs s’en offusquent par la voix des États. Enfin, c’est sous le règne de ce prince que les États procèdent à la réformation des coutumes, les modifications apportées traduisant les évolutions de la société lorraine.
Mots-clés : Assemblées d’États – Justice – Coutumes – Impôts – Aide extraordinaire - Estates General – judiciary - custumal – (extraordinary) taxation
Version anglaise
As sovereign Duke of Lorraine and Bar, Charles III convened the Estates General common to both principalities to obtain council and assistance from the Three Orders (clergy, nobility & commoners). The agility which with Charles III was able to use this ancient state tool reinforced both his power and sovereignty. During a reign troubled by the French Wars of Religion, the prince resorted time and time again to his subjects to raise troops and fortify city walls.
To raise extraordinary taxation, the consent of the Estates General was necessary – though rarely was it refused. Nevertheless, the increase of these taxes and their semi-permanence brought the prince into conflict with the bourgeoisie of Bar. They appealed to the Parliament of Paris which compelled the Duke to hold separate Estates General, one for the portion of the fief ultimately subject to the jurisdiction of the Kingdom of France (the so-called Barrois mouvant), the other within the sovereign jurisdiction of the Duke.
The lack of institutional unity between the two duchies is particularly blatant in terms of court structure. Civil matters are exclusively presided by the old and powerful Knights of the Duchy of Lorraine at the heart of the assizes. This system is, however, antiquated and highly contested in the Estates General. The Duke strived to divert litigation from the feudal courts into his own courts and, in responding to the wishes of the Third Order, to ensure the proper administration of justice. In the remaining territory subject to the Duke’s sovereign jurisdiction (the Barrois non mouvant), the Duke established a Sovereign Court of Great Days of Saint-Mihiel (Cour Souveraine des Grands Jours de Saint-Mihiel), which was criticised by the local nobility for usurping their feudal jurisdiction in favour of trained lawyers. Thanks to his supporters, reform is not limited to the above feudal jurisdictions, as the Duke’s courts gradually also supplant the manorial courts. Horrified by these developments, the nobility protested in the Estates General. It is under the reign of Charles III that the Estates General reform the custumals to keep pace with the social evolution of the Duchy of Lorraine.